Un nouvel épisode dans notre série d’article sur les relations difficiles. Comme pour les autres articles, je rappelle que je ne suis pas Psychiatre et que, compte tenu de mon parcours, je vous propose de prendre un angle différent, celui de la relation, et de traiter ce sujet sous 3 grands axes :
- Une introduction rapide au TPOC et de l’impact du sur la qualité de vie de la personne
- Les difficultés pour l’entourage
- Quelques pistes de réflexion
Introduction rapide au TPOC et de l'impact du sur la qualité de vie de la personne
« Le trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive est caractérisé par une préoccupation omniprésente pour l’ordre, le perfectionnisme et le contrôle (sans place pour la flexibilité ou l’efficacité) qui, en fin de compte, interfère avec l’accomplissement d’une tâche. » Manuel MSD version grand public
Ce est différent du TOC. Le TOC se concentre sur des obsessions et des compulsions spécifiques, tandis que le TPOC implique des schémas de personnalité obsessionnels-compulsifs plus larges et persistants qui influent sur le comportement général de la personne.
Difficultés relationnelles pour la personne atteinte du trouble :
- Difficulté à déléguer : En raison du besoin excessif de contrôle, la personne peut avoir du mal à déléguer des tâches, ce qui peut entraîner un surmenage et un sentiment d’isolement.
- Rigidité et inflexibilité : La personne peut être très rigide dans ses façons de faire les choses, ce qui peut rendre difficile la collaboration avec les autres et générer des conflits au sein des relations professionnelles et personnelles.
- Critique excessive : Le perfectionnisme peut conduire à une autocritique constante et à des attentes élevées envers soi-même et les autres, ce qui peut créer un environnement relationnel stressant.
- Dévouement excessif au travail : La préoccupation constante pour le travail peut entraîner la négligence des loisirs, des relations amicales et familiales, compromettant ainsi l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle.
- Difficulté à exprimer l’affection : La personne peut avoir du mal à exprimer des émotions de manière spontanée, préférant un comportement formel et sérieux, ce qui peut rendre les relations moins chaleureuses.
Difficultés relationnelles pour l'entourage :
« Les personnes atteintes du trouble de la personnalité obsessionnelle compulsive peuvent être trop zélées, difficiles et rigides sur les questions de moralité, d’éthique et de valeurs. Elles appliquent des principes moraux rigides à elles-mêmes et aux autres et sont très critiques à leur propre égard. » Manuel MSD version grand public
En bref, la personne va tenter d’être en contrôle ce qui peut être compliqué pour l’entourage. Voici quelques points qui peuvent rendre la relation difficile :
- Sentiment de distance émotionnelle : L’entourage peut ressentir un éloignement émotionnel en raison de la difficulté de la personne à exprimer l’affection de manière naturelle.
- Frustration due à l’inflexibilité : Les proches peuvent se sentir frustrés par la rigidité et l’inflexibilité de la personne atteinte du trouble, en particulier lorsqu’il s’agit de collaborer ou de prendre des décisions ensemble.
- Surveillance constante : L’entourage peut ressentir le poids d’une surveillance constante, car la personne peut être préoccupée par les détails et les règles, créant ainsi une atmosphère de tension.
- Sentiment de non-reconnaissance : Les proches peuvent se sentir sous-évalués ou critiqués en raison des attentes élevées et du perfectionnisme constant de la personne atteinte du trouble.
- Impact sur les relations sociales : Les relations sociales peuvent être compromises en raison du dévouement excessif au travail de la personne, entraînant un manque de temps consacré aux amis et à la famille.
Il est important de noter que ces difficultés peuvent varier d’une personne à l’autre, et la gestion du trouble peut être facilitée par une prise de conscience, le soutien de professionnels, voire un traitement approprié.
Une fiction pour mieux comprendre :
La famille se prépare à partir en vacances, excitée à l’idée de passer du temps ensemble. Cependant, le parent atteint du TPOC, obsédé par le besoin de contrôle et de perfectionnisme, commence par établir une liste détaillée de toutes les étapes nécessaires pour le voyage. Cette liste inclut non seulement les éléments habituels tels que les bagages et les réservations, mais aussi des détails minutieux sur la manière dont chaque membre de la famille devrait se comporter pendant le voyage.
Pendant la préparation, le parent atteint du TPOC peut vérifier et revérifier continuellement chaque détail, du contenu des valises à l’itinéraire du voyage. La pression exercée pour suivre scrupuleusement cette liste peut créer un climat de tension et d’anxiété au sein de la famille, les membres se sentant constamment surveillés et critiqués.
Lorsque la famille est enfin prête à partir, le parent atteint du TPOC peut être réticent à déléguer des tâches ou à accepter l’aide des autres membres de la famille, pensant que seule son approche minutieuse garantira des vacances parfaites. Cette attitude peut créer des frictions et des frustrations, car les membres de la famille peuvent se sentir sous-évalués et limités dans leur contribution au voyage.
Pendant les vacances, la rigidité du parent atteint du TPOC peut se manifester dans la planification quotidienne, avec des horaires stricts et des activités minutieusement organisées. Tout écart par rapport à ce plan peut déclencher une réaction négative, générant du stress chez les autres membres de la famille qui aspirent à une atmosphère plus détendue.
En fin de compte, malgré les bonnes intentions, le parent atteint du TPOC peut involontairement « bousiller » les vacances en créant une pression excessive pour la perfection et en limitant la spontanéité et la flexibilité qui rendent les voyages mémorables et agréables. La famille peut se retrouver à ressentir un sentiment d’insatisfaction et de frustration plutôt que de profiter pleinement du temps passé ensemble.
Explorons cette situation à travers les journaux intimes de Gwen et de Pierre pendant leurs vacances à la mer :
Journal de Gwen (atteinte du trouble de la personnalité obsessionnelle-compulsive) :
Jour 1 :
Aujourd’hui marque le début de nos vacances tant attendues à la mer. La préparation a été intense, avec ma liste détaillée et mes directives pour que tout soit parfait. Chaque membre de la famille a suivi scrupuleusement mes instructions, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une tension dans l’air. Le contrôle est nécessaire pour éviter tout chaos, même en vacances.
Jour 3 :
Les journées à la plage sont bien planifiées, avec des horaires stricts pour les activités. J’ai insisté pour que tout le monde suive le programme à la lettre, mais Pierre semble agacé. Il a suggéré spontanément de faire une pause imprévue pour une glace, et j’ai dû me contenir pour ne pas montrer mon mécontentement. La spontanéité n’est pas dans ma liste, mais je dois me rappeler que les autres ont aussi besoin de s’amuser.
Jour 5 :
Une dispute a éclaté lorsque Pierre a décidé de dévier du plan pour assister à un magnifique coucher de soleil sur la plage. Je me sentais frustrée car cela rompait avec la routine que j’avais établie. Il ne comprend pas à quel point la perfection est essentielle pour moi. Il a besoin de se conformer à mes attentes pour que ces vacances soient réellement réussies.
Journal de Pierre (le mari) :
Jour 1 :
Nous sommes enfin arrivés à la plage pour nos vacances en famille. Gwen était très stressée pendant la préparation, avec ses listes et ses demandes constantes de suivre ses règles strictes. J’ai essayé de rester positif, mais il y a définitivement une atmosphère de tension. J’espère que les choses se détendront.
Jour 3 :
La journée à la plage était agréable, mais Gwen semblait contrariée quand j’ai suggéré de faire une pause spontanée pour une glace. Elle a du mal à accepter les changements de plan, et ça commence à me peser. Les vacances devraient être amusantes et détendues, non ?
Jour 5 :
Aujourd’hui, j’ai insisté pour que nous changions un peu nos plans et que nous admirions un magnifique coucher de soleil sur la plage. Gwen était furieuse, disant que ça ruinait tout son plan. Je veux simplement que ces vacances soient spéciales et que nous puissions profiter du moment sans être rigides dans notre programme. Il est difficile de trouver un équilibre.
Les pistes de réflexion :
Le mieux, est toujours d’informer son médecin traitant. Il décidera s’il oriente la personne vers un Psychiatre, un Psychologue, et si les médicaments peuvent aider dans son cas.
Voici quelques types de thérapies qui peuvent aider et dont vous pouvez discuter avec les professionnels qui assurent le suivi :
Musicothérapie :
- Gestion du stress : La musicothérapie peut aider Gwen à gérer son stress et son anxiété, en utilisant la musique comme moyen d’expression émotionnelle et de relaxation.
- Encouragement de la créativité : La musicothérapie offre un espace où Gwen peut exprimer ses émotions de manière créative, favorisant la flexibilité et l’ouverture à de nouvelles expériences.
Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) :
- Restructuration cognitive : Les TCC peuvent aider Gwen à identifier et à changer les schémas de pensée rigides, en remplaçant les pensées négatives par des pensées plus adaptatives et flexibles.
- Exposition graduelle : En travaillant progressivement sur l’exposition à des situations moins structurées, les TCC peuvent aider Gwen à développer une tolérance au changement et à réduire son besoin compulsif de contrôle.
Neurosciences :
- Compréhension des mécanismes neuronaux : En intégrant des concepts de neurosciences, Gwen peut acquérir une compréhension approfondie des mécanismes neuronaux qui sous-tendent son trouble, ce qui peut renforcer sa motivation à s’engager dans le processus thérapeutique.
- Applications pratiques : Les interventions basées sur les neurosciences peuvent être adaptées pour aider Gwen à développer des stratégies spécifiques visant à réguler ses réponses émotionnelles et à favoriser une plus grande flexibilité cognitive.
Pour l’entourage :
Alors…Ce sont des pistes de réflexion. Le but n’est pas de vous faire culpabiliser mais de vous aider à « cogiter de manière constructive ». En face de vous, vous avez une personne qui se perd en fait…ses plans inflexibles sont ses balises. Elle va vous dire des phrases du style : « je me connais, il faut que je fasse comme ci ou comme ça ». Objectivement, cela peut être justement tout le contraire de ce qui va l’aider. Cela peut aussi vous donner l’impression de vivre à l’étroit dans toutes ses limites.
Les questions que vous pouvez vous poser si vous avez un proche atteint de TOPC :
- Comment établir des limites claires tout en restant patient et flexible ? Pour faire ça vous pouvez vous poser deux questions :
- A quel point c’est perturbateur, ou à quel point cela nous emmène à « faire fausse route » si j’accède à la demande de mon proche sur ce point précis ?
- Sur quels points précis est-ce qu’il est préférable de poser une limite ou de me montrer flexible ?
- Comment favoriser un soutien externe (professionnel)?
- Comment encourager la communication ouverte ?
- Comment cultiver des moments de détente et de plaisir ?
Le mot de la fin
Le TOPC est un trouble assez répandu. Ce n’est pas une fatalité. Il est possible de travailler dessus, autant pour les personnes malades que pour les proches.
Pour autant, la rigidité de la personne peut vraiment être compliquée pour les professionnels et pour l’entourage. Parfois il n’est tout simplement pas possible d’accéder à certaines demandes et cela peut générer des situations compliquées à gérer. Je ne vais donc pas dire que c’est une partie de plaisir.
Pour finir sur une note personnelle, j’ai pu observer en tant que Thérapeute (et ce n’est pas toujours possible dans le cadre professionnel ou familial), que la Musique peut permettre de contourner les barrières de protection et permettre à la personne de travailler « l’air de rien » sur ses rigidités.
Ce n’est toutefois pas miraculeux. Même dans ce cadre, cela peut être vraiment frustrant d’accompagner ces personnes. Verbaliser la zone sur laquelle la personne a le contrôle, accepter qu’elle a besoin de faire les choses à sa façon peut aider à préserver une relation de confiance.
Bon…là à ce stade, pour tout vous dire, j’ai réécrit le titre de ce paragraphe. Je voulais faire une conclusion, mais je n’arrive pas à conclure. Je pense à certaines séances et…il y a un mot qui me vient : patience.
Pas juste pour les personnes qui sont autour, mais dans cette situation, le mot « patient » me semble particulièrement approprié. Si je pense à une image, il me vient de l’argile qui a durci et qui a des cailloux dedans. C’est pas impossible de travailler sur les rigidités d’une personne atteinte de TPOC, mais il va falloir du temps, prendre le traitement si le médecin en recommande un, une bonne dose d’empathie et de compassion.
Si vous avez un proche ou si vous travaillez en contact avec des personnes atteintes de TPOC et que vous ressentez le besoin d’avoir votre espace à vous pour pouvoir y puiser l’oxygène nécessaire et rester en capacité d’aider, sachez que j’ai prévu pour janvier l’ouverture d’un Lab’ d’exploration émotionnelle en ligne. Si cela vous intéresse, vous trouverez plus d’infos en cliquant ici.